Trump défié par Kigali

Lorsque Donald Trump s’est personnellement engagé dans la médiation entre Kinshasa et Kigali, ses équipes parlaient d’un tournant historique, d’un accord capable de stabiliser définitivement l’est de la République démocratique du Congo. Moins d’une semaine après la signature des Accords de Washington, la réalité du terrain lui inflige une humiliation brutale. La ville stratégique d’Uvira est tombée entre les mains de l’AFC/M23 et des troupes rwandaises.

Déc 12, 2025 - 09:47
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Trump défié par Kigali
Donald Trump, le président américain en train de saluer Paul Kagame du Rwanda lors de la signature des Accords de Washington @Photo Droits tiers.

Lorsque Donald Trump s’est personnellement engagé dans la médiation entre Kinshasa et Kigali, ses équipes parlaient d’un tournant historique, d’un accord capable de stabiliser définitivement l’est de la République démocratique du Congo. Moins d’une semaine après la signature des Accords de Washington, la réalité du terrain lui inflige une humiliation brutale. La ville stratégique d’Uvira est tombée entre les mains de l’AFC/M23 et des troupes rwandaises.

Et avec cette chute, c’est toute la crédibilité du dispositif diplomatique américain qui est mise à rude épreuve. Car Uvira n’est pas une ville parmi d’autres. C’est un verrou militaire, politique, logistique. Un passage essentiel dans la configuration sécuritaire du Sud-Kivu, mais aussi une porte potentielle vers l’espace Grand Katanga, poumon économique de la RDC. Sa prise par la rébellion, soutenue par le Rwanda, n’est pas seulement un revers, c’est une démonstration de force qui balaie d’un geste l’optimisme affiché par la Maison blanche .

 Kinshasa interpelle Washington 

La prise de la ville d’Uvira provoque un choc. C’est véritablement un échec de trop pour le régime Tshisekedi. Face à cette nouvelle réalité d’occupation, Kinshasa a réagi fermement contre Kigali. Dans un communiqué nerveux, le gouvernement congolais pointe directement Paul Kagame, l’accusant d’avoir choisi la confrontation plutôt que le respect des engagements.

Selon l’exécutif central, l’avancée de l’AFC/M23 à Uvira constitue un affront délibéré aux efforts menés par Trump, le Qatar et l’Union africaine pour imposer un cessez-le-feu crédible. « La situation à Uvira marque un tournant grave… Paul Kagame tourne sciemment le dos aux Accords de Washington, sapant les efforts du président Donald J. Trump », affirme le communiqué publié le mercredi 10 décembre, jour où l’occupation de la ville par l’AFC/M23 a été officialisée.

Le texte va plus loin. Il appelle les médiateurs de Washington, Doha et l’Union africaine à déployer tout leur arsenal politique pour restaurer l’autorité du processus de paix. Une manière à peine voilée de dire que si Trump ne réagit pas rapidement, le mécanisme qu’il a voulu porter sera enterré avant même d’avoir existé.

Face à cette déflagration diplomatique, Kinshasa élargit la cible et rappelle au Conseil de sécurité des Nations unies sa propre responsabilité. Le gouvernement de la RDC exige l’application stricte de la résolution 2773, notamment sur le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais et la protection des civils.

Le message est donc sans équivoque. « Washington manque d’autorité, Kigali ne respecte rien, et l’ONU n’impose plus ses résolutions », fustige un diplomate africain en poste à Kinshasa. La simultanéité entre la chute d’Uvira et l’entérinement des Accords de Washington est d’autant plus troublante qu’elle accentue l’impression d’un accord mort-né. Alors que les partenaires internationaux saluaient un texte censé ramener le calme, la situation sur le terrain a explosé. Uvira devient ainsi la preuve la plus spectaculaire de l’échec précoce du scénario de paix imaginé par Trump.

Pour comprendre l’onde de choc géopolitique actuelle, il faut revenir quelques mois en arrière. Après la chute de Bukavu en février 2025, Kinshasa avait désigné Uvira comme siège provisoire de ses institutions au Sud-Kivu encore contrôlé par l’armée congolaise et les combattants patriotes Wazalendo. La prise de cette ville par l’AFC/M23 raye d’un trait cette stratégie de repli. Ce que le chef de la diplomatie burundaise appelle une « gifle à Washington » devient, aux yeux de nombreux observateurs, un véritable discrédit infligé au processus Trump.

Le Burundi s’acharne contre Kagame 

Le ministre burundais des Affaires étrangères, Edouard Bizimana, a ouvertement accusé Kigali d’avoir signé les Accords de Washington « pour la forme », alors que les offensives du M23 étaient déjà en cours. Pour lui, il ne s’agit pas seulement d’une violation, c’est un acte de duplicité politique.

Bizimana réclame des sanctions internationales contre le Rwanda, l’arrêt des financements et des livraisons d’armes. Selon lui, le M23 « sans le Rwanda n’est rien ». Le Burundi, désormais directement exposé, affirme être prêt à défendre ses frontières. Les conséquences humaines montrent déjà l’ampleur de la crise. Près de 40 000 Congolais et 5 500 Burundais ont fui vers le Burundi en seulement quatre jours.

 Uvira se transforme en ville fantôme 

Mercredi 10 décembre, des scènes exceptionnelles se sont déroulées à la frontière de Gatumba où de longues files de militaires burundais ont traversé la zone contrôlée par l’AFC/M23 pour rentrer dans leur pays. Selon des sources jointes à Bujumbura, les rebelles ont ouvert un corridor permettant à ces troupes alliées de l’armée congolaise de se retirer avec leurs équipements, un fait rarissime dans ce type de configuration.

Dans le même temps, le mouvement des habitants d’Uvira vers Bujumbura se poursuivait. La frontière est restée ouverte jusqu’au-delà de 15 heures, bien que contrôlée par les insurgés du M23 et l’armée rwandaise.

Les civils traversaient dans l’urgence, cherchant des abris dans une capitale économique burundaise déjà saturée, où certains louent des maisons tandis que d’autres sont dirigés vers des camps. Moins de 24 heures après la prise d’Uvira, la ville offre un tableau de stupeur et de peur. Les Rwandais n’inspirent pas confiance à la population d’Uvira. Ce jeudi 11 décembre, les rues sont restées désertes. Aucun véhicule, aucune moto, aucun vélo.

Les habitants sont cloîtrés chez eux, attendant de comprendre si la ville va sombrer dans un cycle de violences ou si les rebelles vont imposer un ordre strict. Des tirs sporadiques sont signalés dans plusieurs quartiers notamment à Kasenga, Kalundu, Kimanga et Kavimvira. La frontière de Kavimvira est désormais totalement fermée. Le Burundi a déployé des chars à Gatumba, renforçant son dispositif de sécurité.

Pendant ce temps, l’AFC/M23 consolide ses positions. La plaine de la Ruzizi, la zone frontalière, les axes d’accès, tout est verrouillé. Sur le plan diplomatique, une nouvelle phase s’ouvre déjà. La médiation qatarie envisage un nouveau round de discussions entre Kinshasa et l’AFC/M23. L’annonce vient du mouvement rebelle lui-même.

Un paradoxe absolu, très peu de temps après avoir pris Uvira, c’est l’AFC/M23 qui parle de négociations. En arrière-plan, une question domine toutes les autres : « Qu’est-ce qui reste du pari de Trump ? Et surtout du miracle vanté ? » . Car la chute d’Uvira ne montre pas seulement la brutalité de la crise sécuritaire, elle expose l’incapacité des architectes internationaux, notamment Washington en tête à contenir un conflit qui ne répond plus à aucun schéma classique.

Source : https://www.mediacongo.net

Rédaction Kuvuk

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